Projet de recherche

Les anciens combattants au Sénégal. Une histoire des pratiques et de l’imaginaire bureaucratique militaire, 1945–1975

Martin Mourre

Boursier postdoc

martinmourre [a] hotmail.com


Ce projet de recherche entend déterminer, au Sénégal, à la fois comment une institution comme l’armée, coloniale puis nationale, a mis en place tout un répertoire de codage d’expériences historiques collectives et comment, et pourquoi, certains acteurs répondent à cette demande. La mise en place d’une armée nationale s’inscrit largement dans la continuité de l’armée coloniale. Grâce à ce cadre chronologique, entre 1945 et 1975, nous pouvons suivre les logiques, les processus, les chantiers de la bureaucratie militaire au sein de l’État colonial tardif comme de l’État national naissant permettant d’appréhender des transferts de savoir-faire, entre la métropole et ses ex-colonies. L’État est l’un des centres de ces processus de formalisation des parcours biographiques des anciens combattants, mais nous souhaitons également en étudier d’autres niveaux, les associations et les cellules familiales. Avec ces dispositifs d’enregistrement et de contrôle des carrières militaires, nous étudions les tensions autour desquelles les anciens combattants ont négocié leurs places dans un ensemble de structures, familiales, locales, associative informant certains processus sociaux et politiques au Sénégal. Au-delà d’une chronologie des procédures qui sont du ressort de l’État, français puis sénégalais, qui concernent par exemple le code des pensions, le ministère de la défense, voire d’ordre constitutionnel, nous étudions l’élaboration même de ces textes. Nous retraçons les débats parlementaires auxquels ils ont pu donner lieu ou l’élaboration de différentes circulaires révélant, dans le premier cas, les opérations publiques de qualification et de quantification des carrières militaires ou, dans le second cas, les procédures, plus discrètes, de l’élaboration de ces documents, nécessitant alors une ethnographie de l’archive.

Ce projet de recherche entend déterminer, au Sénégal, à la fois comment une institution comme l’armée, coloniale puis nationale, a mis en place tout un répertoire de codage d’expériences historiques collectives et comment, et pourquoi, certains acteurs répondent à cette demande.

Un deuxième lieu de notre étude concerne les associations d’anciens combattants. L’Office national des anciens combattants et victimes de guerre fut créé en juin 1961, sur le modèle de son homologue français. Cet organisme regroupe les organes régionaux, les Unions régionales des anciens combattants (URAC), présents dans les 14 régions du Sénégal. Outre les statuts et les comptes rendus d’assemblée générale, nous nous intéressons aux registres des membres, aux cartes d’adhérents, aux différents récépissés. Enfin, l’étude des archives privées, notamment les échanges épistolaires entre les familles et les services administratifs, nous permet d’aborder la diffusion d’un imaginaire bureaucratique. En repérer les procédures de mises en place, permettra de suivre sur une trentaine d’années les moyens d’actions de la bureaucratie militaire, comme d’analyser les stratégies individuelles – ou collectives – de contestation.

Image: Photographie prise à la Maison des anciens combattants de Dakar en 2008, photographie: Martin Mourre