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Appel à communications: Réseaux obscurs

L’imaginaire des mises en connexion secrètes et des bas-fonds transnationaux du XIXe au XXIe siècles

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: Institut hisorique allemand
Quand: 20–22 novembre 2024

Date limite de candidature: 1er décembre 2023

Organisé par:

  • Sarah Frenking (univ. Erfurt / Centre Marc Bloch)
  • Christoph Streb (Institut historique allemand)
  • Mathilde Darley (CESDIP / Centre Marc Bloch)
  • Anne-Emmanuelle Demartini (univ. Paris 1 Panthéon-Sorbonne / Centre d'histoire du XIXe siècle)
  • Isabella Löhr (FU Berlin / Zentrum für Zeithistorische Forschung Potsdam)
  • Roland Wenzlhuemer (LMU Munich/ Käte Hamburger Kolleg global dis:connect)

Nous sollicitons des propositions pour un colloque international sur les imaginaires des »réseaux obscurs« entre le XIXe et le XXIe siècles, qui se tiendra à l’Institut historique allemand à Paris entre le 20 et le 22 novembre 2024.

L’imaginaire moderne du monde connecté a un côté »sombre«. Au XIXe siècle déjà, le cosmopolitisme, l’appel à la coopération internationale, ou les nouvelles possibilités de communication, de commerce et de voyage ne suscitent pas uniquement l’enthousiasme. Car en même temps, les contemporains imaginent aussi un dangereux milieu de vice et de crime, défini par des flux illicites et peuplé de personnages louches. Les angoisses liées à l’espionnage, aux conspirations et aux complots secrets sont un phénomène répandu. Depuis lors, une sinistre mythologie ne cesse de captiver l’imaginaire moderne: sous le monde réel se cacherait un monde souterrain connecté, fait de mouvements et de liens clandestins qui transcenderaient les frontières et s’étendraient à travers les continents et les océans.

Depuis le XIXe siècle, les contemporains ont présenté ces »réseaux obscurs« sous diverses formes. Écrits conspirationnistes, reportages sensationnalistes, récits de fiction populaires tels que romans ou émissions de télévision, ou encore rapports publiés par des organisations internationales telles que la Société des Nations: tous ces médias prétendaient offrir un aperçu des »bas-fonds« mondiaux. Les récits et les images produits se caractérisent ainsi par une série de contrastes stéréotypés, entre le haut et le bas, la transparence et le secret, la moralité et le vice, le jour et la nuit. Ils partagent également trois composantes typiques:

  • Les »réseaux obscurs« sont peuplés de figures spécifiques tels que les trafiquants de drogue, les prostituées, les migrants clandestins, les espions, les vagabonds, les francs-maçons ou les anarchistes. Ces figures étaient pensées comme connectées et multilingues, transcendant les catégories sociales et parfois sexuelles. De plus, ils sont souvent racialisés (»assombris«). Les représentations antisémites en constituent une déclinaison fréquente, mettant particulièrement l’accent sur les opérations criminelles motivées par le profit et échappant au contrôle de l’État. Sur la base de ces caractéristiques, les figures qui composent les bas-fonds connectés sont au mieux suspectes, et au pire, représentent une grave menace.
  • Les imaginaires des »réseaux obscurs« présentent également des espaces spécifiques dans lesquels ces figures se déplacent ou résident. Il s’agit de zones liminales typiques telles que les ports, les zones frontalières, les gares ou les halls d’hôtel, mais aussi d’infrastructures telles que les bateaux à vapeur, les avions ou même les tunnels. Le résultat est une topographie imaginée »sous la surface«, une multiplicité florissante de connexions et de mouvements sinistres dans l’ombre du monde moderne.
  • Enfin, les »réseaux obscurs« sont perçus comme essentiels pour permettre la circulation de biens d’un type spécifiques, tels que les drogues, les armes, la fausse monnaie, les reptiles, les femmes, les savoirs secrets ou les pamphlets révolutionnaires. Ces marchandises ont en commun d’être contagieuses et nuisibles en cas de circulation sans entrave. C’est pourquoi elles sont souvent imaginées avec des caractéristiques particulières qui leur permettent de passer inaperçues ou de franchir clandestinement les frontières: par exemple, elles sont cryptées, déguisées ou dissimulées dans des compartiments secrets.

La plupart des questions concernant les imaginaires des »réseaux sombres« restent cependant à poser. Par qui sont-ils produits et quels objectifs politiques et moraux servent-ils? Quelles valeurs, quels systèmes politiques et quels régimes de propriété, de race ou de genre (mondiaux) sont-ils censés ébranler? Qu’est-ce qui explique leur importance croissante ou décroissante pour différentes sociétés entre le XIXe siècle et aujourd’hui? Et que nous apprend l’idée d’»autres« réseaux, cachés, puissants et dangereux, sur la modernité mondiale en général?

Ce colloque explorera l’histoire contemporaine des imaginaires des »réseaux obscurs«. Elle prend au sérieux l’appel à dépasser les récits trop simplistes de la mondialisation et contribue à l’intérêt croissant de la recherche pour ses aspects »déviants«. À cette fin, il s’appuie sur les travaux existants sur les imaginaires sociaux du crime, de la conspiration et de l’espionnage, en y ajoutant une dimension transnationale. Nous souhaitons rassembler des contributions concernant différents types de discours sur les »réseaux obscurs« afin d’examiner leur importance pour comprendre les ambivalences de la modernité mondiale et la construction et la contestation de ses normes sociales et politiques. Dans une chronologie qui s’étend du XIXe au XXIe siècle, nous souhaitons nous interroger sur les continuités et les changements dans une perspective transnationale sur le long terme. Les propositions pourraient, par exemple, aborder des sujets et des questions dans un ou plusieurs des domaines de recherche suivants:

1) La mondialisation déviante. Comment l’étude des imaginaires des »réseaux obscurs« peut-elle être utilisée pour construire un »autre« récit de la modernité mondiale? Comment cet imaginaire interagit-il avec les interprétations positives des connexions transnationales mettant l’accent sur la coopération, la communication ou la »civilisation«? Certaines connexions peuvent-elles »s’éclaircir« ou »s’assombrir« en fonction des conjonctures historiques? Et comment les représentations stéréotypées des connexions suspectes peuvent-elles être mises en relation avec les conditions de vie réelles des personnes marginalisées qui se déplacent?

2) Le spectacle médiatique et les paniques morales. Comment les imaginaires de la connectivité sombre sont-ils utilisés dans les romans policiers ou les films d’espionnage pour capter l’attention d’un public médiatique moderne en pleine expansion? Quel est leur rôle dans le journalisme d’investigation qui crée des scandales et des paniques morales – et comment ces phénomènes médiatiques se répandent-ils au-delà des frontières? Quels désirs psychologiques les représentations des bas-fonds mondiaux révèlent-elles, et comment cet »autre« est-il exploité à des fins politiques à l’échelle nationale et internationale?

3) Mystère, soupçon et »vérité«. Quel mode particulier de production de connaissances la recherche des traces cachées de connexions sinistres en-deçà de la »réalité« officielle révèle-t-elle? Par quelles opérations pratiques (dont certaines également transnationales) cette »vérité« alternative des »réseaux obscurs« est-elle produite? Comment les imaginaires des bas-fonds transnationaux peuvent-ils donc nourrir une réflexion sur la production du vraisemblable, du crédible, du vérifiable dans des contextes historiques précis?

4) Police, réglementation, et contrôle. Comment les représentations des bas-fonds mondiaux sont-elles utilisées par les États, les empires ou les ONG pour introduire des mesures coercitives, par exemple sous la forme d’une coopération policière transnationale, d’un contrôle des frontières, d’une législation sur le contre-espionnage ou de campagnes de réforme morale? Et quelles discriminations de genre, de race et de classe sont renforcées ou produites sur la base d’images de connexions sinistres?

Modalités

Nous accueillerons des contributions en anglais ou en français provenant de disciplines telles que l’histoire, la sociologie, les études littéraires, les media studies, la philosophie ou la criminologie qui s’intéressent à l’imaginaire de la connectivité obscure du XIXe siècle jusqu’au début du XXIe siècle. Chaque proposition doit inclure un titre provisoire, un court CV et un résumé de 400 mots maximum. Veuillez envoyer ces documents dans un seul fichier pdf à sarah.frenking@uni-erfurt.de et à cstreb@dhi-paris.fr avant le 1er décembre 2023. Les frais de déplacement et d’hébergement seront couverts pour les participants, sous réserve de l’obtention d’un financement dédié. Le colloque est prévu en présentiel.

 

» Vers l’appel à communications (pdf)

 

Crédit image: Détective 216 (1932), Ville de Paris – Bibliothèque des littératures policières.