Observer la parturiente. Aux origines de l’obstétrique française (1750–1830)
Lucia Aschauer
Doctorante dans le département Temps modernes (2015–2016)
L’observation obstétricale
Le projet de thèse, encadré par Rudolf Behrens (Bochum) et Regina Schulte (Bochum), s’intéresse à un genre médical peu étudié : l’observation, c’est-à-dire la narration singulière d’un cas pathologique individuel. L’objectif est d’explorer le rôle de l’observation dans l’établissement de l’obstétrique moderne en France entre 1750 et 1830. Le projet s’appuie sur l’hypothèse suivante: le changement de paradigme obstétrical qui s’opère dans la seconde moitié du XVIIIe siècle – la mise à l’écart des sages-femmes par les obstétriciens masculins – se prête particulièrement bien à l’étude du genre médical de l’observation.
Le(s) savoir(s) de la narration
L’étude s’appuie un corpus d’environ 300 observations obstétricales publiées entre 1754 et 1822 dans le Journal de médecine, chirurgie, pharmacie, etc. La démarche méthodologique – combinant une approche de l’histoire des sciences et une réflexion théorique sur le genre littéraire – prend en compte les qualités narratives tout comme les fonctions épistémiques des observations étudiées. Elle permet aussi d’exploiter de façon féconde les outils de la narratologie : la relation entre auteur et narrateur, les concepts de personnage et de situation d’énonciation. Les différents acteurs de l’obstétrique deviennent ainsi les personnages d’une narration, mise en scène par le narrateur – lui-même partie intégrante de l’histoire. Dans l’observation, la lutte pour l’autorité interprétative sur le corps des parturientes se fait grâce aux armes de l’art narratif.
La genèse d’une discipline
L’observation est plus qu’un simple miroir des réalités de la naissance en cette période charnière; elle participe activement à l’établissement d’un nouveau savoir obstétrical. Analyser l’observation obstétricale en tant que genre medical permet alors d’interroger les conditions mêmes de la production et de la circulation de ce nouveau savoir.